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La honte 1/9

Publié le par F.Curchod

Aujourd’hui, pour ce trente-troisième jour de l’année, je me lève avec le cœur à vif. Voilà un peu plus d’un mois que l’horreur, que dis-je, la honte ultime, ne me quitte plus.

Péniblement, je me traine jusqu’au lavabo ou je bois goulument en espérant faire passer cette douleur insupportable. Comme tous les jours précédents, je la sens encore me tirailler les tripes alors que je relève la tête pour aller voir l’heure sur le réveil. Il n’y a que trois mètres entre le point d’eau et la table de nuit, mais à mi-distance, je sens le liquide absorbé me remonter le long de la gorge et j’ai juste le temps de faire demi-tour avant de tout rendre en éclaboussant le mur au-dessus de la porcelaine.

Je me relève, blanc comme un linge, les larmes aux yeux. Ces rejets sont extrêmement fréquents depuis nouvel an et les médecins ne sont pas apte de l’expliquer avec précision. Cependant, pour moi tout est clair. Ces vomissements sont le reflet du profond dégout que j’ai de moi-même depuis cette terrible nuit. Je suis incapable de me regarder dans un miroir sans ressentir de la haine.

Mes proches me rendent de temps à autre visite pour essayer de me venir en aide, mais c’est sans espoir. Dès qu’ils commencent leur discours, je perçois les haut-le-cœur arriver rapidement. Souvent, je fais semblant d’écouter en pensant à autre chose pour ne pas renvoyer mon repas.

Tremblant, je jette un œil au réveil et découvre qu’il n’est que quatre heures du matin. Dépité, je m’approche de la bibliothèque ou j’attrape l’un des ouvrages que je commence à feuilleter. Après plus de trente jours ici, je sais qu’avec une nuit comme celle-ci, je ne pourrai pas me recoucher avant de m’écrouler de fatigue.

Pendant près de trois heures, je tourne les pages du livre sans vraiment être concentré sur ce qui y est écrit. Lorsque l’infirmière m’ouvre la porte en m’annonçant l’heure du déjeuner, je repose le bouquin avec une pointe d’amertume. Avant tout cela, je lisais beaucoup. Mais à présent, il m'est impossible de passer plus de deux minutes à me concentrer sur quelque chose. Je serai tout bonnement incapable de dire de quoi parlait le livre que je tenais entre mes mains quelques instants plus tôt !

Fâché et frustré, je suis Rachel, la jolie infirmière qui redescend à la cafétéria pour préparer nos médicaments.

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